La légende du "chômage keynésien"

Dans de nombreuses universités les étudiants apprennent encore concernant le chômage qu'il s'explique :

  • Pour un économiste néoclassique principalement par l’existence d’un salaire minimum trop élevé ou de rigidités sur le marché du travail.
  • Et pour Keynes par la rigidité des salaires à la baisse. C’est-à-dire que c’est parce que les salaires ne baissent pas suffisamment en temps de crise qu’il y a du chômage.

Dans les deux cas on semble donc avoir deux visions quasi-identiques des origines du chômage : des salaires trop élevés. La différence réside dans le fait que :

  • Soit ils ont été imposés par l’Etat (salaire minimum)
  • Soit ils n’ont pas pu baisser comme ils auraient dû.

Il faut donc beaucoup d’imagination pour enseigner qu’on a là affaire à deux théories opposées !

Voici ci-dessous la mise en point offerte par Fitoussi et Leijonhufvud sur le sujet (en préface du livre La pauvreté dans l’abondance) :

« Les lecteurs noteront que dans l’analyse des causes du chômage et de la dépression que livrent ces articles [de Keynes], on ne trouve nullement trace de ce qui allait devenir la légende de la macroéconomie des manuels. Pendant des décennies (et encore aujourd’hui), les étudiants, partout dans le monde, ont appris une « économie keynésienne » qui attribue les problèmes de chômage à la rigidité des salaires nominaux lorsque se produisent des fluctuations de la demande globale nominale. Cette conclusion était même considérée comme l’enseignement principal de La Théorie générale. Or, cette interprétation s’apparente à une calomnie. L’idée selon laquelle un bien ou une ressource rencontrerait des problèmes de découchés si son prix était trop élevé et ne s’ajustait pas, était parfaitement maîtrisée bien avant Keynes, à une époque où l’analyse partielle était couramment pratiquée. Comment une idée aussi banale aurait-elle pu constituer une révolution dans la pensée économique ? Aucun des essais contenus dans ce livre n’attribue le chômage aux « rigidités » du marché du travail. […] Plus encore, [Keynes] rejette explicitement et à plusieurs reprises l’idée selon laquelle la baisse des salaires pourrait contribuer à résoudre le problème. Il défendra même dans la Théorie générale la thèse selon laquelle, non seulement la rigidité des salaires n’est pas la cause du chômage, mais qu’elle constitue « la politique la plus sage dans un système fermé ».

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