Vaincre le chômage

On n’est pas surpris mais malgré tout toujours un peu consterné quand un François Hollande nous dévoile son nouveau plan contre le chômage et qu’un Nicolas Sarkozy sort ses « propositions chocs » pour lutter contre ce fléau. Les deux nous rappellent l’aveu d’impuissance ou la persistance dans l’erreur et le déni de notre élite économique et politique lorsqu’il s’agit de répondre à cette simple question : comment donner du travail à ceux qui n’en ont pas dans un monde où tant de besoins demeurent insatisfaits et où tant de choses restent à faire ?

Je ne vais pas m’appesantir sur leurs propositions, qui ne le méritent pas, et vais plutôt vous proposer trois solutions (dont malheureusement aucune n’est de moi !) qui permettraient de réduire de plusieurs millions le nombre de chômeurs dans notre pays. Mieux que ça, je peux même vous affirmer qu’aucune de ces propositions ne creusera notre déficit public ni n'augmentera les coûts de production de nos entreprises ! Pour moi elles ne sont ni de droite ni de gauche, juste de bon sens. D’un point de vue économique en revanche, elles sont incontestablement plus proches de la vision économique d'un keynésien que de celle d’un économiste néoclassique.

Pour comprendre la première proposition, revenons rapidement sur l’organisation actuelle de notre société.

Pour 8 personnes qui y travaillent (et se plaignent de trop travailler), nous en avons grosso modo 2 qui recherchent du travail mais n’en trouvent pas.

Vaincre le chômage

Comme nous vivons dans une société civilisée, nous acceptons que ces personnes au chômage soient malheureuses, dépriment, et parfois se suicident, mais nous refusons obstinément qu’elles meurent de faim !

Aussi, même si une personne n’a pas de travail, la société consent à lui verser un peu d’argent, sous forme d’allocation chômage, de RSA et autres aides complémentaires. Ces dépenses sont financées en prélevant des impôts sur les ménages, les entreprises ainsi que par la dette.

Vaincre le chômage

Là où le bât blesse est que le coût du chômage pour la société, même en termes purement économique, est énorme (certains avancent par exemple le chiffre de 110 milliards d’euros, en incluant non seulement les indemnisations directes des chômeurs, mais aussi le coût de leur prise en charge, le paiement du RSA, ainsi que des coûts indirects comme le fait que les chômeurs sont en moyenne en moins bonne santé que les personnes en activité).

Or l’économiste et homme politique Pierre Larrouturou a remarqué que ce que payaient en impôts les entreprises pour financer le chômage n’était finalement pas très éloigné de ce qu’elles auraient à payer si elles embauchaient elles-mêmes ces chômeurs.

Il propose donc que les entreprises baissent de 10% le temps de travail de leurs employés en les faisant travailler 31,5 heures et 4 jours par semaine, ce qui les oblige à embaucher 10% de personnes en plus, et qu’en contrepartie elles bénéficient d’un allègement des cotisations qu’elles payent pour financer les allocations chômage.

Dès lors, si les salariés acceptent de faire un petit effort sur leurs salaires (qui peut prendre par exemple la forme d’une baisse de 2% sur tous les salaires supérieurs à 2000€ dans l’entreprise) une telle réduction du temps de travail ne coûterait pas un centime de plus aux entreprises la mettant en œuvre.

Elle leur serait même certainement très bénéfique car elles auraient des salariés moins stressés et donc plus efficaces puisque bénéficiant d’une journée de libre de plus par semaine.

Elle ne coûterait pas non plus un centime de plus à l’État puisque tout ce qu’il percevrait en moins en cotisations patronales, il aurait aussi en moins à le dépenser puisqu’il y aurait moins de chômeurs dans l’économie.

Les coûts indirects du chômage sont tellement colossaux qu’il y gagnerait même certainement pas mal d’argent.

Une des estimations les plus données est qu’un tel partage du temps de travail créerait 1,6 millions d’emplois.

Il en créerait même certainement plus si l’on prend en compte le fait que pendant leur journée de temps libre supplémentaire par semaine, les salariés pratiqueraient des activités (sportives ou autres) créatrices à leur tour d’emploi.

Le bouclage macroéconomique d’une telle mesure a été testé et approuvé par des économistes très mainstream comme Patrick Artus.

Et sa faisabilité a pu être également vérifiée puisqu’une loi dans les années 90 a proposé un tel deal aux entreprises (baisse du temps de travail et création d’emploi en contrepartie d’une baisse des cotisations sociales), que plusieurs centaines sont passées à la semaine de 4 jours, et que tout s’est bien passé !

Ce projet s’inscrit par ailleurs dans une parfaite logique historique puisque notre temps passé à travailler a fortement diminué depuis deux siècles. Ce qui fait sens puisque notre productivité s'est dans le même temps très fortement accrue !

Pourquoi donc s’arrêter en si bon chemin, alors que notre productivité a augmenté rapidement ces dernières décennies, que tant de gens se plaignent encore de trop travailler et tant d’autres de ne pas trouver de travail.

Personnellement, si je peux contribuer à faire baisser le chômage dans mon pays et avoir une journée de plus de libre par semaine en contrepartie d'une baisse de 2% de mon salaire, je signe TOUT DE SUITE.

Pour plus d’infos sur le sujet je vous renvoie à la page Wikipedia qui lui est consacrée ainsi qu’à l'un des excellents livres écrits par Pierre Larrouturou dessus.

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