L'institut Montaigne et les retraites

L’institut Montaigne est formel ! Dans un rapport publié tout récemment, ses experts expliquent que pour sauver notre régime de retraite il va falloir entre autres porter l’âge de départ à la retraite à 63 ans et allonger la durée de cotisation à 43 ans.

Le problème avec ces mesures est toujours le même : en période de chômage de masse, comme la France en connait actuellement (à peu près 5,5 millions de chômeurs en France métropolitaine catégories A, B, C), si vous faites travailler plus longtemps les sexagénaires, vous empêchez qu’ils soient remplacés par des jeunes au chômage. La société y perd alors sur les deux tableaux : une personne qui souhaite partir à la retraite après une vie de labeur devra travailler plus longtemps tandis qu’un jeune qui espère rentrer sur le marché du travail ne pourra occuper le poste libéré par le nouveau retraité.

Dès lors, ce que vous ne paierez pas en pensions retraites aux sexagénaires, vous le pairez en allocations chômage et aides diverses aux jeunes qui ne peuvent prendre leur place.

Certes une pension retraite est plus élevée qu’une allocation chômage ou un RSA, mais c’est oublier tous les coûts indirects du chômage pour la société, qui sont colossaux. Et accessoirement que vous rendez deux personnes malheureuses..

Oui mais certains économistes vous diront : on ne peut pas raisonner ainsi, il est faux de croire que chaque retraité sera remplacé par un nouvel employé.

Admettons. Alors peut-être peut-on émettre l’hypothèse que, par exemple, 75% des personnes qui partent à la retraite seront remplacées, ou 50%, ou 25%. Il y a bien un chiffre sur lequel on doit pouvoir s’entendre.

Il serait par ailleurs assez aisé d'obtenir un tel chiffre, il suffirait de poser directement la question aux entreprises et à l'Etat. Pour les personnels du public, on se rappelle par exemple que Sarkozy parlait de remplacer un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, et à l'époque ça paraissait sévère..

Mais à votre avis quel chiffre a été retenu par les experts de l’institut Montaigne ?

Réponse : 0% !!

Pour dire vrai la question n'est même pas posée, comme dans toutes les études sur le sujet. Le taux de chômage est considéré comme totalement indépendant du nombre de départs à la retraite. Tout se passe donc comme si on considérait qu'aucun retraité n'était jamais remplacé à son ancien poste.

Or évidemment, si ces études faisaient l'hypothèse qu'à chaque fois que 100 000 personnes voient leur départ à la retraite repoussé, cela empêche 75 000 ou 50 000 autres personnes de trouver du travail, elles aboutiraient à des conclusions bien différentes.

Cette idée que les départs à la retraite ne libèrent pas des postes pour les personnes à la recherche d'un emploi trouve son origine dans les modèles dits de l'offre, qui dominent le monde de la recherche en économie.

Nous aurons l'occasion de reparler de ces modèles dans d'autres billets.

En attendant, cela nous rappelle que les gens déraisonnables aujourd'hui ne sont pas ceux qui pensent qu'il existe des alternatives aux politiques économiques actuelles, mais ceux qui nous pondent ces études jusqu’au-boutistes (dans lesquelles par exemple 0% des retraités sont remplacés..).

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